Yellowface de R.F. Kuang
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Yellowface de R.F. Kuang

Merci à Ellipsis (De Saxus) pour l’envoi de ce roman.

Hello ! Aujourd’hui on se retrouve pour la chronique d’un roman immersif et satirique qui a bouleversé l’édition anglophone : Yellowface de R.F. Kuang.

Yellowface est l’un des titres les plus connus de R.F. Kuang, réputé pour être impactant et pour secouer tant le lecteur que sa vision du monde de l’édition. Voilà pourquoi à sa traduction en français, je me suis empressée de le lire !

Que dire si ce n’est que c’est un énorme coup de cœur ? Original, satirique, horrifiant et en même temps fascinant, Yellowface se fait critique du racisme dans le monde de l’édition en nous emportant dans une histoire aussi improbable qu’irritante. Un personnage principal tout à fait anthipatique, un vol inexcusable… Je n’ai jamais lu de roman comparable !

A lire si… En fait, à mettre entre toutes les mains car Yellowface a le potentiel de toucher un très large public, par sa satire accessible à tous et cette plume si addictive qu’on est incapable de lâcher le roman.

Le résumé

C’est une histoire magistrale racontée par la mauvaise personne.

June Hayward et Athena Liu ont étudié ensemble à Yale, ont déménagé à Washington après avoir obtenu leur diplôme et sont toutes les deux écrivaines, mais les similitudes s’arrêtent là. Athena est une étoile montante de la littérature, et June n’est personne. Après tout, qui s’intéresse de nos jours aux histoires d’une fille blanche aussi banale qu’elle ?

Lorsqu’elle assiste à la mort d’Athena dans un accident invraisemblable, June agit donc sans réfléchir et vole le manuscrit que son amie et rivale vient de terminer – un roman sur les contributions méconnues du corps des travailleurs chinois pendant la Première Guerre mondiale. Et si June corrigeait le récit et l’envoyait à son agent comme s’il s’agissait de son propre travail ? Et si elle adoptait le nom de Juniper Song et jouait sur l’ambiguité de son origine ethnique ? Quelle qu’en soit l’autrice, ce morceau d’histoire ne mérite-t-il pas d’être raconté ?

Mais June ne peut échapper à l’ombre d’Athena, et des révélations menacent de faire s’écrouler son succès volé. Jusqu’où sera-t-elle prête à aller pour protéger son secret ?

~ Retour sur cette lecture ~

Racisme décomplexé et héroïne imbuvable

Dès le début, on sent qu’on ne va pas aimer Juniper avec ses « ce n’est pas que je suis jalouse, mais » ou « ce n’est pas que je suis raciste, mais ». Ses pensées sont salées et bourrées de jalousie dès qu’il s’agit d’Athena, qui selon elle écrit bien mais pas tant que ça et ne doit son succès qu’au fait d’être issue de la diversité.

Car Junie en est persuadée, il est plus facile de se faire éditer quand on a des origines asiatiques que quand on est blanche, et de surcroit hétéro. Je vous avoue que quand j’avais vu ça dans certains résumés, je me suis demandé s’il n’y avait pas un côté dystopique en mode inversion des privilèges mais on voit vite que non. C’est juste Juniper qui a une vue complètement biaisée de la réalité. Elle s’entoure pourtant en grande majorité de personnes blanches (les autres autrices de sa maison d’édition, son agent, son éditrice)…

Et surtout, j’ai régulièrement été écœurée par son racisme. Il y a tellement de réflexions absolument décomplexées et effarante qu’elle a (sur le fait que certaines personnes racisées n’aient pas d’accent, ou connaissent des mots qu’elle estime compliqués par exemple). Et le pire, c’est qu’elle se pense non raciste… On pourrait taxer l’autrice d’exagérer, de caricaturer, mais un tour sur les côtés plus sombres des réseaux sociaux littéraires suffisent pour affirmer que des Juniper existent, criant au racisme anti-blanc et affichant leur bien-pensance doublée d’un racisme effarant.

Droit dans le mur

Voir Juniper voler le manuscrit d’Athena en s’auto-persuadant qu’il n’y a rien de mal et que ça ne se saura pas, c’est comme voir un train foncer à pleine vitesse dans un mur. On n’arrive pas à détourner le regard, d’autant plus qu’on déteste déjà la conductrice du train et qu’on est curieux de voir si elle va s’en sortir (tout en espérant que non !).

Dans la satire qu’est Yellowface, R.F. Kuang tape sur tout le monde de l’édition (fait connu à propos de ce livre). Des éditeurs qui se doutent de la vérité mais détournent le regard et empochent le pactole puis restent silencieux au moment de la controverse, aux chroniqueur.ses qui se préfèrent neutres quand leurs collègues dénoncent ce qui est un problème d’appropriation culturelle, au-delà même de l’affaire du vol.

Et puis il y a cette nuance que l’autrice apporte : Athena n’est pas elle-même irréprochable. Elle s’appropriait tout autant d’autres cultures, n’hésitait pas à reprendre les malheurs des autres pour façonner ses textes et quand on découvre ce qui a pu se passer entre elle et Juniper à l’université, on comprend qu’elle est loin d’être un ange. Tout en n’enlevant rien à la gravité des actions du personnage principal, R.F. Kuang critique aussi vivement Athena et ce que le succès peu pousser à faire, notamment par rapport à son manque de soutien aux autres auteur.ices racisé.es.

Note à propos de la traduction

Il y a quelques points de détails qui sont revenus souvent concernant la traduction qui me questionnent un peu, même si dans l’ensemble j’ai apprécié la qualité de celle-ci.

L’emploi de « tempête de merde » pour désigner une shitstorm sur les réseaux sociaux par exemple, m’a irritée. On dit tout aussi bien shitstorm en français, et il me semble complètement décalé d’avoir traduit l’expression tout en gardant dans certains tweets « SMH » (= shake my head) qui est nettement moins connu du public français.

A l’opposé, j’ai trouvé intéressant le terme « démineur éditorial ». En français comme en anglais, j’ai toujours vu le terme lecteur sensible/sensitivity reader et c’est d’ailleurs sensitivity reader qui est employé dans la VO, traduit par démineur éditorial en VF. Si dans le langage courant je ne l’avais jamais vu, une recherche google m’a confirmé l’existence de ce terme et je le trouve très adapté à Juniper. Là où lecteur sensible sous-tend un côté bienveillant, démineur éditorial est plus connoté, on sent qu’il est là pour éviter des soucis à l’éditeur et l’auteur plutôt que par respect d’une communauté ou d’une culture.

En conclusion

Un excellent roman que je ne peyux que vous recommander, coup de cœur pour ma part ! Satirique, gênant mais impossible à lâcher, Yellowface est le genre de romans qu’on veut sur nos étagères !

Vous avez lu ce livre ? Qu’en avez-vous pensé ?

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