Babel de R. F. Kuang
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Babel de R. F. Kuang

Merci aux éditions DeSaxus pour l’envoi de ce roman.

Hello ! Aujourd’hui on se retrouve pour la chronique d’un livre primé à de multiples reprises à l’international : Babel de R. F. Kuang.

« Un acte de traduction est toujours un acte de trahison. »

Babel, on en entendait parler depuis longtemps avec les avis VO et sa traduction en français m’a semblé une belle occasion de découvrir ce roman. Et je dois dire qu’il a été à la hauteur de sa réputation ! Un roman dans la plus pure esthétique Dark Academia avec un propos fort et une intrigue longue savamment tissée.

Avec la ligne éditoriale du blog, je me dois de préciser qu’il s’agit d’un roman classé en « adulte » (pas forcément de scènes explicites, même si de la violence). Et comme je vois également beaucoup de confusion autour de cela sur les réseaux, il faut noter que s’il y a une petite part de fiction historique c’est essentiellement une fantasy, bien que basée sur notre monde réel.

Le résumé

1828. Un jeune orphelin chinois est recueilli à Canton par un professeur et conduit à Londres. Rebaptisé Robin Swift, le jeune garçon consacre ses journées à l’étude des langues dans l’optique d’intégrer le prestigieux Institut royal de traduction de l’Université d’Oxford, plus connu sous le nom de Babel. Berceau de ľ’argentogravure, les étudiants y exploitent le sens perdu des mots à l’aide de barres d’argent enchantées.

Dès ses premiers jours à Oxford, Robin prend conscience que ces travaux confèrent à l’Empire britannique une puissance inégalée et servent sa soif de colonisation, au détriment des classes défavorisées de la société et de ses territoires. Servir Babel revient donc à trahir sa patrie d’origine.

Peut-il espérer changer Babel de l’intérieur ? Ou devra-t-il sacrifier ses rêves pour faire tomber cette institution ?

~ Retour sur cette lecture ~

Une lecture qui exige de la concentration

Autant le dire immédiatement : Babel est un gros pavé de plus de 700 pages et la plume est complexe, pleine de subtilités. Il ne se dévore pas d’une traite, c’est au contraire le style de roman pour lequel on doit prendre son temps pour analyser le propos, les sous-entendus, l’évolution des personnages et de leurs mentalités.

Je trouve que le roman est matière à réflexion car au-delà du thème du colonialisme et de sa dénonciation qui est évident, j’ai adoré tout ce qu’on apprend en termes d’étymologie. R.F. Kuang nous parle latin, grec, sanscrit, cantonnais, français (bon, pour nous c’est effectivement moins ouf mais ça reste intéressant d’explorer l’origine des mots) et anglais et nous invite à réfléchir sur l’évolution des langues et le sens qu’elle porte.

Plan de la tour de Babel - Babel de R. F. Kuang

L’esthétique dark academia

Babel, c’est aussi une ode à l’amour de la littérature et de l’étude qui en fait un roman dans la plus pure esthétique Dark academia, La majeure partie de l’intrigue se déroule à Oxford où Robin va intégrer l’élite des étudiants anglais, pour apprendre son futur rôle de traducteur essentiel à l’Empire. Entres les références littéraires, les descriptions de bibliothèques toutes plus fabuleuses les unes que les autres et les nuits passées à boire du thé en planchant sur un devoir, ce qui nous est décrit rentre parfaitement dans le thème.

Mais là où R.F. Kuang est forte, c’est qu’elle parvient à la fois à user de cette ambiance dark academia et à matérialiser l’une de ses critiques les plus courantes, à savoir son eurocentrisme.

Traduire c’est trahir

La façon dont R.F. Kuang apporte un double sens à ce dicton dans Babel est juste excellente. Parce que traduire signifie perdre toujours un peu du sens primaire, avec l’absence de correspondance exacte entre les mots. Mais également parce que l’acte de traduire, ce qu’il fait pour Babel et au service de l’Angleterre, constitue une trahison envers son pays d’origine que l’empire pourra alors mieux contrôler.

Le concept de l’argentogravure sur lequel repose le système magique du roman est simple : en inscrivant sur une barre d’argent un mot et sa traduction, on peut matérialiser alors ce qui sépare ces deux mots, le sens perdu. L’autrice monte alors une société très proche de la nôtre dans laquelle l’argenogravure a remplacé la science, et où la traduction est devenue un domaine tout-puissant, source de pouvoir et d’innovation.

Fanart de Robin Swift (Babel) par Merijae

Fanart de Robin par Merijae

Racisme et endoctrinement

L’histoire de Robin dans Babel est cruelle : sauvé de justesse de la mort par le professeur Lowell (dont on comprend plus tard qu’il a choisi son timing avec soin), il est emmené par ce dernier en Angleterre pour apprendre les langues et devenir plus tard étudiant à Babel. Le professeur veille à en faire un parfait petit anglais dans son comportement, ne lui enjoignant de ne garder de ses origines que sa langue maternelle.

L’entrée à Babel sera l’occasion pour lui de découvrir combien les plans de Lowell s’opposent à la paix qu’il souhaiterait, d’expérimenter au quotidien le racisme des anglais et leur mépris le plus total pour les chinois, et plus généralement tous ceux qu’ils considèrent comme étrangers.

Le roman fait également la part belle au féminisme, à l’intersectionnalité et même au racisme intégré au sein du cercle proche de Robin mais je ne peux pas vous en dire trop pour ne pas spoiler, seulement que le texte est excellent.

En conclusion

J’espère que cette chronique vous aura invité.e à découvrir le roman excellent qu’est Babel. J’ai conscience qu’elle part un peu dans tous les sens puisqu’il y a énormément de choses à dire sur ce roman (en même temps, il fait plus de 700 pages) et qu’en même temps il y a certains liens que je ne peux pas faire ou sujets que je ne peux pas aborder sans spoiler. En tout cas, si vous aimez la fantasy très politique avec des thèmes engagés, celle-ci est un must-read !

Vous avez lu ce livre ? Qu’en avez-vous pensé ?

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