Les enfants sont rois de Delphine De Vigan
Hello ! Aujourd’hui, une fois n’est pas coutume, je vous propose la chronique d’un roman de la collection blanche de Gallimard : Les enfants sont rois de Delphine De Vigan.
J’ai lu ce roman sur conseil de ma mère qui l’avait adoré et ajouté sur le dessus de ma pile à lire. En temps normal je lis peu de romans « pour adultes » mais les thèmes forts de celui-ci m’ont rapidement poussée à l’ouvrir.
Je ne sais pas à quoi je m’attendais, mais certainement pas à l’aspect policier et au suspens du roman qui viennent compléter la réflexion sur les réseaux et la téléréalité que l’on sent à travers le résumé et les premières pages.
Les enfants sont rois, c’est une satire fascinante avec pour personnage central une mère qui instrumentalise ses enfants à la recherche de la célébrité, tout en se mentant à elle-même sur leur bonheur (et le sien). A la fois contemporain, policier et roman d’anticipation sur la fin, il livre une réflexion passionnante sur la société et plusieurs de ses aspects liés au voyeurisme d’internet.
Les dernières parties de cette chronique contiennent des spoilers sur le roman qui seront indiquées par un paragraphe en rouge. Vous pouvez lire le reste sans inquiétude !
La quatrième de couverture
« La première fois que Mélanie Claux et Clara Roussel se rencontrèrent, Mélanie s’étonna de l’autorité qui émanait d’une femme aussi petite et Clara remarqua les ongles de Mélanie, leur vernis rose à paillettes qui luisait dans l’obscurité. « On dirait une enfant », pensa la première, « elle ressemble à une poupée », songea la seconde.
Même dans les drames les plus terribles, les apparences ont leur mot à dire. »
À travers l’histoire de deux femmes aux destins contraires, Les enfants sont rois explore les dérives d’une époque où l’on ne vit que pour être vu. Des années Loft aux années 2030, marquées par le sacre des réseaux sociaux, Delphine de Vigan offre une plongée glaçante dans un monde où tout s’expose et se vend, jusqu’au bonheur familial.
~ Retour sur cette lecture ~
L’évolution de Clara
Clara Roussel, c’est un personnage qu’on retiendra finalement le moins (puisque forcément moins marquante que Mélanie, Sammy ou d’autres) mais qu’on comprend et qui nous guide peu à peu dans cet univers étrange d’enfants Youtubers, alors même qu’elle le découvre en enquêtant sur la disparition de Kimmy.
J’ai aimé ce personnage droit dans ses bottes, sûre de ses valeurs et flic dans l’âme. Son éducation, qui nous est brièvement décrite, se retrouve dans ses actions et retranscrites par la plume fluide de l’auteure, ses réflexions sont toujours intéressantes.
Le destin de Mélanie
Si l’on voit le plus souvent le récit à travers les yeux de Clara, c’est du destin de Mélanie qu’il est question. Cette jeune fille fascinée par la téléréalité qui a elle-même tenté sa chance mais qui n’a pas réussi. Des années plus tard, le hasard et les réseaux sociaux vont l’amener à découvrir les chaines Youtube d’enfants, gérées par leurs parents. De façon parfaitement calculée, elle va alors se lancer, sans hésiter une seconde à instrumentaliser ses propres enfants.
Il y aurait tellement de choses à dire sur Mélanie ! Son intelligence vive vis-à-vis des réseaux, sa stratégie fine et son obsession pour la téléréalité en font un personnage complexe. On réalise vite qu’elle se voile la face à propos de ses enfants, préférant les croire heureux d’être des stars plutôt que d’admettre que la façon dont elle les exploite les épuise et ne leur fait pas plaisir.
Dans la tempête d’émotions qu’elle éprouve vis-à-vis de la disparition de sa fille, on est épatés de ne pas trouver de culpabilité, alors même qu’elle expose sa fille sciemment depuis des années. De l’inquiétude, de la souffrance, indéniablement, mais pas de remise en question de son mode de vie…
ATTENTION : à partir d’ici, la chronique contient des spoilers sur le roman. Si vous ne voulez pas être spoilé.e, vous pouvez aller directement à la conclusion !
Le problème des enfants Youtubers
Comme je le disais dans l’introduction, Les enfants sont rois se penche sur le problème des enfants Youtubers qui sont exploités par leurs parents, sans encadrement légal ni rémunération fixée. En plus d’être indéniablement dangereux pour l’équilibre et le développement de l’enfant, ce système l’expose à de nombreux dangers qui sont cristallisés ici autour de la disparition de Kimmy.
Dans le roman, Delphine De Vigan invente un personnage, Le Chevalier du Net, qui est un lanceur d’alerte ayant réalisé plusieurs vidéos sur les aspects sombres des vidéos d’enfants. Je ne peux m’empêcher de voir là une référence glissée à la chaîne Le roi des rats. Même le nom de la série de vidéos du Chevalier (« YouTube part en sucette ») semble une référence directe à la série du Roi des rats « YouTube part en couilles ».
L’auteure pointe du doigt le manque de législation autour de cette pratique, mais illustre également les troubles que cette profession non encadrée peut causer à travers la révolte de Kimmy à la fin du roman, et le trouble psychologique de Sammy qui devient paranoïaque (et on comprend pourquoi !).
Le fin mot de la disparition
Comme la plupart des lecteurs (je pense) et des personnages, je craignais que Kimmy ne sorte pas indemne de ce kidnapping. Je trouve que l’auteure fait un choix tout à fait intéressant à travers « l’enlèvement » de Kimmy, en nous faisant craindre le pire pour ensuite nous donner une belle histoire, au dénouement injuste.
Le plaidoyer d’Elise est bouleversant, on voit qu’elle a pensé à la santé de Kimmy avant tout et qu’elle souffre du malheur de la petite. C’est d’autant plus horrible qu’on découvre par la suite que cette histoire n’a pas déclenché la moindre remise en question chez Mélanie, qui a rapidement recommencé à exploiter sa fille.
Une fin aussi ouverte que critique
La fin de Les enfants rois est loin du happy ending, mais elle est exactement ce qu’elle devait être : une énième piste de réflexion proposée par Delphine De Vigan à ses lecteurs. Sammy qui est en difficulté avec des troubles psychologique, Kimmy qui compte se venger, Bruno qui a enfin le courage de prendre de la distance avec sa femme et Mélanie qui s’enferme dans a propre réalité virtuelle, niant le monde réel : tout a été dit, c’est maintenant au lecteur d’en tirer ses propres conclusions.
En conclusion
Avec ce roman aussi réaliste que dérangeant, Delphine De Vigan livre ici une histoire triste et injuste d’enfants-star de Youtube qui ne laissera pas les lecteurs indifférents. Je ne peux que vous recommander Les enfants sont rois !
Pour terminer, je vous laisse sur une citation de l’auteure qui a mes yeux résume parfaitement le roman :
« Les adultes sont censés être les protecteurs du droit à l’image de leurs enfants, pas les détenteurs. »
Delphine De Vigan
Vous avez lu ce livre ? Qu’en avez-vous pensé ?